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Teatr Piba

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Nous passons donc la nuit à Vancouver. Dans une maison typique d’un quartier typique. À Kitsilano. Dans cet arrondissement résidentiel, d’innombrables rues bordées d’arbres se coupent à angle droit. De part et d’autres des larges trottoirs s’alignent de généreux pavillons. Ici, aucune maison n’est construite à l’identique. C’est plutôt charmant. L’architecture réinterprète à l’infini le mariage du chalet et de la maison un peu victorienne. On construit en bois. On multiplie les bow-windows, les tourelles, les porches à colonnes. Les planches de sapin, qu’on préfère ici aux parpaings de béton, sont recouvertes de peintures aux couleurs variées, de crépis imitant la pierre, de tuiles de bois. Des vitraux garnissent les fenêtres. Et de gentils mots d’accueil encadrent les portes. La vie ici semble cool. D’ailleurs une chose frappe dans cette région : on s’y sent en terrain connu. Je n’y ai jamais posé les pieds, mais j’éprouve l’impression de déjà-vu. Les images sont familières. On est vraiment dans le mainstream. Alors, on se coule facilement dans la canadian way of life. On commence déjà à s’habituer à la brume, plus épaisse aujourd’hui qu’hier, et qui réussit même à donner aux nombreux Starbuck café un petit air « contes de la crypte ».

On consulte la météo. L’air est « high risk ». Il n’y a pas de hasard ; ce matin justement, Thomas et moi devons nous rendre à l’University of British Colombia pour y rencontrer Philippe Tortell, un climatologue spécialisé dans l’interaction climat/océan. Nous prenons notre Chrysler (Thomas aime bien sa voiture) et filons sur le campus. Là encore, c’est très impressionnant. Immense. Des étudiants à perte de vue. En ces jours de rentrée universitaire, l’heure est à la présentation des associations. On peut s’inscrire, pêle-mêle, à la confrérie des mathématiques quantiques, au club de gaufre, à la danse perse, ou encore à une plate-forme de jeu en réseau. A Vancouver la rentrée, c’est la fête. On mange du pop-corn au milieu de magnifiques jardins anglais. Des groupes de rock mettent l’ambiance dans les allées. Et de curieux écureuils tout noirs calligraphient, en gambadant, les gazons verdoyants. Si ce n’était la couleur du ciel, tout semblerait au beau fixe.

Philippe Tortell nous reçoit. Il est accompagné d’un consul. Et d’Edouard Bard, climatologue et professeur au Collège de France. Nous parlons français. Art et science. En tant que représentant de cette université, Philippe cherche à tisser des ponts entre nos deux disciplines. On présente le projet. Le rendez-vous est cordial, la conversation précise. On se reverra.

1 6 SEPT

On continue l’exploration. Direction le centre de Vancouver. Je veux voir Downtown. Me promener entre les gratte-ciels. Comme je le disais, c’est ma première visite au continent américain. L’urbanisme de ces mégalopoles me fascine. Et Vancouver, il faut bien le reconnaître, en est un parfait abrégé. Son nom, elle le tient du capitaine Georges Vancouver (1757-1798), explorateur et cartographe des côtes de ce qui deviendra par la suite la Colombie britannique. À l’origine de la troisième aire urbaine du Canada, peuplée par plus de 2,5 millions d’habitants, il n’y avait en 1867 ( il y a 150 ans tout juste !) qu’une petite scierie appelée Hastings Mills, qui attira une, puis deux, puis trois maisons… et ainsi de suite… Pour nous Européens, il reste très difficile à appréhender que de telles villes aient pu sortir de terre et acquérir une identité aussi forte en si peu de temps. Si tout y est si grand, c’est assurément que tout y a grandi très vite. Une croissance extrême et continue dès la naissance. Et dans tous les sens. À l’entour, les banlieues ont beau dévorer les largeurs, dans Downtown on n’a pas fait une croix sur l’envie de gagner les cieux. Les tours, démesurées, continuent de s’édifier, se hérissant les unes à côté des autres, préservant miraculeusement le petit quartier historique de Gastown, qui contraste sans faire le poids, avec ses petits immeubles de briques et ses boutiques un peu chic. On ne sait pas trop comment celui-ci a pu survivre, laissé là comme un cliché souvenir ou une réserve naturelle. Et puis sans sans s’en rendre compte, on change à nouveau de monde. On passe une frontière invisible. Les jeunes couples avec enfants et gâteaux bio s’effacent. Des êtres aux membres disloqués, dansant comme les zombies de Walking dead, les remplacent. Vancouver, comme toute terre des confins, dernière ville avant l’immensité de l’Océan Pacifique, reste l’ultime refuge de ceux qui ont tout fui, ou qu’on a chassé de partout. La drogue bon marché qu’ils consomment leur cause des effets spectaculaires ; atrophies musculaires, chute de dents et des cheveux, vieillissement prématuré. Ils occupent quelques blocs entre le quartier bio et Chinatown. Et forment une micro-société, évoluant comme tout autre citadin entre des immeubles, des squares, des trottoirs, et des bureaux de charité, qui leur sont presqu’exclusivement réservés. On ne ressent aucun danger. L’extérieur, et nous avec, semblent ne plus exister pour eux. Vancouver, c’est vraiment une cité monde. Tout s’y côtoie à défaut de s’y mélanger.

Je resterais bien encore un peu. Je pourrais, j’en suis sûr, très vite aimer cette ville. Mais demain nous devons partir, par le premier ferry, pour Victoria. Le reste de l’équipe, Nadège et Charlotte, y atterriront bientôt, accompagné du réalisateur Emmanuel Roy.

Il sera temps alors de rejoindre Ocean Network Canada et de nous familiariser avec les profondeurs pacifiques.

2 6 SEPT

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