Session atelier d’écriture. Après quelques petits exercices ludiques au stylo, pour donner confiance et desserrer l’auto-censure, on propose aux étudiants et scientifiques du workshop de se laisser aller à la composition d’un texte plus personnel. Que leur inspirent les environnements marins profonds présentés par Jozée ? Qu’est-ce qui les touche, les émerveille, les rend rêveurs ou soucieux ? Quel récit, quelle pensée, quelle relation extraire de ce monde en apparence si lointain ? Nadège, Charlotte, Jozée et Thomas se prêtent aussi au jeu. Il est stimulant pour nous tous de voir ce qui en ce moment nous interpelle davantage. La réponse nous est immédiatement donnée. Depuis Kim jusqu’aux étudiants de lettres, une inquiétude zèbre l’ensemble. Ces écosystèmes, à peine entrevus, feront-ils partis de notre futur ? L’exploitation commerciale des fonds sous-marins obsède. Les textes portent exclusivement la marque de cette douloureuse éventualité. Ce monde que l’on vient de découvrir recèle des richesses minières et économiques certes considérables. Mais son importance pour l’équilibre écologique mondial, les informations qu’il livre pour comprendre la vie et son origine, constituent un trésor d’une valeur autrement plus capitale. Dans le combat millénaire qui oppose l’amour à l’argent, les profondeurs sous-marines seront-elles l’ultime champ de bataille où l’on verra capituler la soif de l’or ? Ou une victime de plus, à ajouter à un tableau de chasse bien sinistre ?
Avec nous aujourd’hui, Véronique Robigou. Géologue et cartographe, chercheur à l’université de Seattle. Pionnière, au même titre que Kim, elle a participé à l’exploration du site Endeavour. Elle y a même découvert la cheminée Godzilla, nommée d’après le monstre bien connu, en raison de son élévation gigantesque. Véronique revient d’une époque mythique. Celle où, avant l’utilisation des hydrophones, l’on cartographiait, depuis les hublots d’un submersible, les profondeurs à la main. Il fallait alors posséder des dons de dessinateur. À chaque remontée du sous-marin, les reliefs s’étiraient sur les cartes, repoussant toujours plus loin les ombres de la terra incognita. Travail titanesque. Et amphibie. Véronique a fait de la transmission scientifique son engagement majeur. Elle a quitté l’université. Et met à profit ses dons plastiques pour sensibiliser le grand public, par l’observation de la nature, aux urgences environnementales. C’est là le défi de notre époque. Avec l’augmentation des échanges et de la flexibilité, les territoires se transforment en lieux de passage. On y transite, on s’y arrête l’instant d’une pause pipi, ou, plus longuement, le temps d’un week-end écolo. Au mieux la nature s’entrevoit comme une médecine anti-stress, une arrière-cour bienfaisante à nos vies.
Se rattacher à un territoire, prendre le temps de l’observer pour le connaître, et de le connaître pour l’aimer, voilà ce à quoi pourrait servir la science. Elle deviendrait alors un mode de vie tout autant qu’un savoir ; une philosophie, si vous voulez. Qui pourrait modifier notre relation aux choses et aux êtres. Et dans la direction d’une plus grande reliance. Nous sommes aussi ce qu’est l’autre. Nous sommes aussi parce qu’est l’autre. Les géologues comme Véronique en savent quelque chose. Leur science a connu, ces dernières années, un des bouleversements les plus inouïs qui soit. Une vraie révolution des roches ! La pierre n’est absolument pas la matière inerte qu’on imagine, on l’a déjà dit ici. La vie sort des cailloux… et y retourne ! Oui, par un processus baptisé « re-minéralisation du vivant », on sait désormais que les bactéries transforment juste après la mort toute matière organique en matière minérale. Une pétrification digne de Méduse. Bref, nous sommes pierre et nous retournons à la pierre d’où nous sommes sortis. La terre que nous foulons est bien plus qu’un plancher.
Merci à tous pour cette chaleureuse expérience créative! Véronique
J’aimeJ’aime